Le Grimoire de Lasta
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Le Grimoire de Lasta

Guilde RP de Crocoburio
 
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 Exsangue

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Ortie
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Ortie



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MessageSujet: Exsangue   Exsangue Icon_minitime1Jeu 4 Mar - 4:49

Peut-être cette histoire vous intéressera-t-elle, aussi l'ai-je recopiée du manoir. Hykulle me la conte souvent, il a fallu que je trouve un moyen d'y mettre des mots, tant mal que bien.


A ma Poly éteinte.

Les pas résonnaient sur les pavés clairs de la ville, tantôt pressés, tantôt trainards, le tout ne formait qu’un seul immense bruit sourd qui martelait l’air comme un cœur qui bat. Un cœur, voilà ce qu’elle était venue chercher ici, quelque chose qui lui aurait fait croire qu’elle était encore en vie, que des sentiments abreuvaient son esprit et que le sang ruisselait dans ses veines, rouge et épais, pour colorer sa peau d’un ton vaguement rosé.

Elle regardait les gens qui couraient ou s’attroupaient autour de divers marchands, cette foule compacte qui coulait autour d’elle sans vraiment l’atteindre. Tous ces sourires, ces rires, ces airs consternés et parfois même ces larmes… tout cela passait à côté d’elle, là, juste à portée de main, pourtant elle ne pouvait rien en saisir, ses doigts ne se fermaient que sur du vide ou parfois sur un morceau de peau dont le détenteur s’enfuyait en la voyant. Une émotion ne se capture pas, elle se crée, lui avait-on dit un jour. Seulement, pour créer, il lui fallait une matière, un mode d’emploi, quelque chose ! Elle n’avait que de vagues modèles dont aucun ne lui délivrait son secret.

Inlassablement, lorsqu’elle demandait aux gens s’ils avaient un cœur pour elle, on l’expédiait chez le boucher le plus proche ou bien on se contentait de ne pas lui répondre. Elle lisait la peur, la consternation, la pitié et parfois une pointe d’amusement sur les visages qui la contemplaient, mais personne ne savait lui dire où trouver ce qu’elle cherchait, ce n’était pas ce vulgaire organe de bouftou qu’elle voulait, c’était un cœur bien à elle ! Tel qu’elle en avait eu, jadis…

Le soleil l’éblouissait, les rues étaient trop claires, la cité trop blanche, mais c’était ici qu’elle devait se rendre, elle en avait la certitude, un peu confuse, mais trop ancrée pour ne pas y prêter attention. C’était ici qu’elle avait prêté serment, c’était ces couleurs qu’elle avait juré de défendre, envers et contre tous ses compagnons. Des utopistes, tous autant qu’ils étaient, elle le savait bien et c’était cela qui lui plaisait. Mais elle avait gardé les pieds sur terre, les ombres étaient en train de dépérir lentement depuis des siècles ; sans jamais vraiment disparaitre, elles n’avaient plus guère de pouvoir. La guerre était depuis longtemps terminée, il n’en restait que des lambeaux de bataille, mais personne ne voulait l’avouer.

Rushu, tu as gagné. Libère tes esclaves à présent qu’il n’y a plus rien à conquérir. La lumière domine sur nos peaux, mais le sang et l’orgueil gouvernent les êtres, la bonté pure n’existe plus. Tu as vaincu et pourtant, c’est de ton royaume dont il ne reste que des cendres.

Elle s’arrêta un instant dans le quartier de l’alchimie, désert à cette heure-ci, comme à beaucoup d’autres. Les maitres des plantes étaient en général rapides et discrets. Elle en faisait partie et ne dérogeait pas à la règle : blanche sur blanc, personne ne la remarquait quand elle ne disait rien, or elle s’était résignée à se taire devant l’absence de réponse qu’on lui opposait. Personne ne savait lui dire où trouver ce qu’elle voulait et, peu à peu, l’une des ses plus grandes et rares règles se faussait. Quelque chose n’allait pas, comme si le sol se dérobait sous ses pieds, tout s’écroulait lorsque l’une de ses amarres se révélait n’être qu’une allumette calcinée.

Tout s’achète en ce monde. Tout… Alors, pourquoi ?

Elle essaya de se souvenir quand tout avait commencé, mais tout demeurait trop flou. Au début, pourtant, elle était pleine de vie, son teint de pêche ravissait garçons et filles, son rire résonnait sans fausse note… Depuis quand ne sentait-elle plus son souffle sur la main qu’elle portait devant sa bouche ? Depuis quand les miroirs ne lui renvoyaient-ils que cette image creuse et fantomatique ? Où exactement avait-elle perdu le contrôle des événements, elle aurait été incapable de le dire, pas plus qu’elle n’aurait su dire quels étaient exactement ces événements. Quelque chose avait dérapé, c’était évident, sans quoi elle n’en serait pas là à chercher désespérément un cœur.

Son regard se posa sur l’anneau qu’elle avait au doigt, magique et imposant. Elle l’avait désiré tellement longtemps et voilà qu’aujourd’hui elle y était totalement indifférente. Le pouvoir qu’il insufflait en elle était immense mais elle n’y prêtait aucune attention, elle n’avait jamais pu s’en servir. Des mois de dur labeur pour l’acquérir et… elle se contentait de le faire inlassablement tourner sur sa peau.

Elle avait cessé l’aventure il y avait bien longtemps, avant même d’avoir cet objet. Mais à cette époque, elle ne jurait que par lui, son futur bijou, et tout ce qu’il allait lui apporter ! Alors, parce qu’elle sentait que c’était son devoir, elle était allée l’acheter, pleinement consciente qu’il ne lui servirait pas. Elle le devait et puis, qu’aurait-elle fait de tout cet argent ? Autant qu’il aille remplir les poches de quelqu’un d’autre, quelqu’un qui saurait quoi en faire.

Dans un sens, peut-être que quelqu’un aurait eu l’utilité de cet anneau, mais qu’y pouvait-elle ? Elle aussi l’en aurait eu, si seulement… Le donner lui était inconcevable. S’être donné tout ce mal pour rien, c’était impensable. Bien entendu, l’avoir ne faisait pas grand-chose en soi, mais elle avait atteint son objectif et c’était tout ce à quoi pouvait encore se raccrocher.

Que n’ai-je encore une famille, des amis avec qui me promener ! Que n’ai-je encore l’envie d’explorer de nouvelles contrées, de nourrir mon beau Tifoux ! Que n’ai-je encore mon brave destrier ! J’avais tout ce dont je pouvais rêver et je n’ai plus rien ici qu’un anneau. Ma vie est ailleurs.


Au fond, rien de tout cela ne lui manquait réellement, mais elle sentait confusément qu’elle se devait d’éprouver quelques regrets, voire quelques remords. Peut-être était-ce simplement son âme qu’elle avait perdue ? Peut-être… Elle tâchait de se souvenir, mais sa mémoire refusait de lui offrir la maigre consolation qu’est celle de savoir.

Il parait que la nuit porte conseil… Que la nuit soit clémente avec moi !


Ses rêves étaient hantés d’un autre monde, similaire par bien des points à celui-ci, mais dissemblable par tant d’autres ! On l’y entrainait de force, elle hurlait et se débattait mais rien n’y faisait. Ce qui l’emmenait n’était pas physique, elle ne pouvait s’en défendre. Elle avait peur, elle empestait l’horreur et la crainte. Jamais je n’ai eu peur avant. Tout fondait autour d’elle, ses larmes se faisaient gouttes de feu qui lui léchaient le visage pour n’en laisser que des os terriblement blancs. Son doigt était vierge de tout anneau. Elle implorait, suppliait, mais personne ne lui répondait. Personne ne répondait jamais. Je suis seule. Elle heurtait violemment la pierre, puis le sol s’écroulait et elle tombait, tombait… Puis s’éveillait en sueur, invariablement.

Pourtant cette nuit-là, couchée sur un lit d’orties, alors qu’elle venait d’avaler convulsivement des lambeaux de cœur de corbac dans le fol espoir d’en récupérer un peu du sien comme si le sort du monde en dépendait, la chute prit fin et ses paupières demeurèrent closes, le regard fixé bien au-delà des rues blanches et ensommeillées de l’indifférente et pourtant tant aimée Bonta.


Il n’y avait que le ciel au dessus d’elle. Elle venait de tomber du ciel et n’avait pas mal. J’ai peur. Sa voix s’était nouée autour de sa gorge en un grand serpent blanc qui dardait vers elle une langue mesquine. Ses yeux étaient vides. Doucement, les contours des lieux se firent plus précis et une vague suffocante de chaleur la submergea. Le serpent hurla à sa place d’un sifflement strident. Elle reconnut les lieux. Je suis engagée contre cet endroit. Mais à quoi servait-il d’avoir prêté serment contre des murs de pierres noircis ? Elle ne vit personne. Comment combattre l’ombre si elle n’est que pierre ? Je ne peux repousser des villes. Tout était délabré, le sol se fissurait à chaque pas qu’elle faisait, les maisons tombaient en cendres mais de nouveaux murs s’érigeaient derrière elle. Il est trop tard pour revenir.

Le serpent blanc sinua lentement sur son visage pour muer en sa propre peau tandis qu’elle voyait avec horreur l’ancienne à ses pieds, noire et flétrie d’avoir brûlé sous sa peur. De sa peur. Elle marcha dessus, foula son ancienne vie pour la refouler au plus profond d’elle-même. Il est trop tard pour revenir. Les murs l’encerclaient à présent, de plus en plus hauts et épais, d’un noir qui ne tolérait aucune couleur. Des murs de néant. Sous elle, sa mue calcinée s’évapora, ne laissant qu’une odeur âcre de fumée froide. Il est trop tard pour revenir. La terre tremblait et s’ouvrait de plus en plus. Je vais tomber et tout sera fini. Il n’y eut bientôt plus qu’une immense lézarde pour seul sol, mais elle ne chutait pas. Quelque chose la retenait.

Elle tourna la tête le plus délicatement possible, mais une mèche de cheveux lui passa devant les yeux. Ils avaient changé de teinte. Plus rien n’avait les bonnes couleurs et cela la mettait étrangement mal à l’aise. Les murs avaient disparu, engloutis par leur propre néant. Derrière elle se dressait à présent un arbre immense. Un arbre mort. L’une de ses racines la retenait et s’infiltrait sous sa peau nue. Il veut mon cœur ! Affolée par le végétal fouaillant ses entrailles, elle voulu hurler mais n’avait pas de lèvre. Le cri lui brûla la gorge et la racine continua son chemin. L’arbre reprenait vie tandis qu’elle la perdait. Il avait d’immenses yeux vermeils mais ce qu’elle vit à l’intérieur l’effraya plus encore. Une silhouette blanche aux yeux vides la toisait en souriant d’un air malsain. Elle plongea la main au fond de sa poitrine. Il lui en manquait un doigt. C’est moi.


L’éveil vint encore plus soudainement que d’ordinaire. Elle tâtonna son doigt. L’anneau était là. Tout son corps la démangeait, elle était couverte de piqures d’ortie, de sang séché et de sueur froide. Lorsqu’elle leva les yeux, elle vit la silhouette cernée d’une aura rouge vif lui sourire puis tourner les talons pour s’en aller vers l’autre monde. Elle ne pouvait aller ailleurs. Des bourgeons poussaient sur sa poitrine. L’horizon l’engloutit sur un dernier murmure.

Je me suis trop manquée pour tolérer ma mort.
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